TRAIL DU PUY DE SANCY 2020 Cliffhanger

Cliffhanger

CR rédigé à 10 mains, déjà qu’à 2, c’est pas toujours évident

Pari de mecs bourrés, séquelles du COVID, cadeau empoisonné, frustration de courses annulées, ego surdimensionné ou geste impulsif… Certainement un peu de tout ça, lorsqu’en Mars dernier, en plein confidemment, un appel est lancé sur radio Raid-Ox … Qui qui c’est qui va au trail du Puy de Sancy en Septembre prochain ?… Il est  vendu 3350m D+ sur 60km avec  le Mont Dore, ses paysages, ses crêtes et son  Saint nectaire… Magnez-vous le train, il reste 15 places… Allez ! Le concours de teubs, c’est notre truc… La machine est lancée pour 5 d’entre nous. 

A chacun sa préparation : barbecue-tartiflette et grand coup de collier le dernier mois pour les plus expérimentés (ou inconscients), lexomil et plan d’ entraînement étalé sur 6 mois mis au point  par les meilleurs ingénieurs de la NASA pour les novices  de la longue distance ou pour les plus anxieux… C’est au choix. 

Une dernière sortie en commun en forêt de Sillé  préparée par maître Ju, histoire de jauger les forces en vigueur et de peaufiner les derniers réglages… De vrais mécaniques de précision qui ne cherchent qu’à s’enrayer. 

Chacun y va de sa consultation à son  kiné-marabout, de ses incantations au dieu météo, de sa danse tribale autour de son sac trop petit. Mais rien n’y fait. Les douleurs psycho-somatiques et les troubles du transit d’avant-course seront là quoiqu’il arrive.

Le jour J approche sans un dernier adieu à nos femmes qui voient leur moitié partir sur la ligne front retenant de leurs bras fébriles  leurs enfants aux yeux remplis de larmes qui vient de parcourir le testament de leur père… Quoi ? C’est quand même plus classe que de dire qu’on a fait du covoiturage dans le kamtar de Germain dans l’indifférence la plus complète, non ?

On s’amuse, on pleure, on rit, il y a des méchants et des gentils… La bonne humeur est de mise… On se jure de partir à 5,de finir à 5, de mourir à 5… L’échec n’est pas permis… On dirait un slogan d’un film Marvel tout claqué (pléonasme). 

Captain America, Hulk et consort viennent d’en prendre une plein buffet… Le Facebook de l’orga siffle et  annonce une modif de parcours l’amputant ainsi de 9km et de 800m de montée par la même occasion. En cause : une petite bise de plus de 100 km/h qui vient lécher les cimes rendant inaccessible le toit de l’Auvergne… C’est moche, Germain avait prévu  d’attaquer pile poil à cet endroit-là. Toute la stratégie est à revoir tout comme le tableau Excel prévisionnel des temps de passage croisé au dénivelé couplé au coefficient des marées d’Arnaud. 

Frustré ? Déçu ? Soulagé ? Une vidéo postée sur les réseaux sociaux  tournée sur les crêtes vient mettre tout le monde d’accord… Bah quand t’es obligé de dégivrer la rubalise à coup de piolet, c’est que ça souffle là-haut. Les conditions météorologiques vont être dantesques… Gui va mettre un cierge !!!

La fin du voyage s’accompagne de perles de sueur qui  envahissent le sillon inter-fessier de Miki. 

Arrivés au Mont Dore… Enfin… Retrait de nos dossards… Vérif du matos obligatoire… Nouvelle montée de tension… L’étiquette-tracker concurrent  devant être ficelée à notre sac d’hydratation ressemble étrangement au format étiquette de la morgue… Certainement pour faciliter l’identification à la belle saison, à la fonte des neiges (copyright David B). 

Direction La Bourboule… Notre camp de base… Merci à la grand-mère de la tante du pote  de fabulous Fab pour ce prêt d’appart qui  voit engloutir la dernière carbonara des condamnées  (Tremble Maïte, tremble !!!) et les questions sur le dress code du lendemain… On s’emmerde pas, on met tout.

Une petite bière pour oublier ? Nommée “l’Antidote”, ça ne peut pas être mauvais… On réunit toutes les chances de notre côté… La nuit risque d’être courte.

4h30… Wake up… Petit déjeuner silencieux … La concentration, peut-être? La trouille, sûrement.

5h15… Direction vers la ligne de départ.

5h50… Il pleut mais il faut sortir de la Raid-Ox mobile. On veut pas y aller. 

5h55… Dernier passage aux toilettes… Le transit s’est fait la malle… On l’avait dit. 

5h57… La pluie redouble et notre groupe se divise… On réussit à se perdre parmi les 550 inconscients qui ont choisi de braver l’inconnu.

5h59…Trop tard, le speaker motive ses troupes et donne de la voix… Vangelis n’est pas loin. 

6h00… 5.4.3.2.1…Vers l’infini et l’au delà !!!! 

Les premières centaines de mètres se font sous la pluie et avec le masque (protocole sanitaire oblige) mais ça devient irrespirable… Il finit très vite sur le menton puis dans la poche.

Ca grimpouille gentiment et chacun tente de trouver son  rythme… En un mot, c’est déjà chacun pour soi et dieu pour tous… Le serpent de frontales inexorablement s’étire.

Premiers encablures sur la piste forestière…. Virage serré à gauche et premier single de la journée qui nous emmène au plateau neigeux du Capucin -altitude 1450 m-  le temps est frais, il fait toujours nuit mais c’est supportable…Qui qui c’est qui est content d’avoir enfilé tout sa garde de robe de trailer ?

Pas évident de courir dans les pâturages à vaches, entre les mottes d’herbe et les trous d’eau… Et merde, les godasses neuves !!!

Pas le temps de s’apitoyer sur leur sort, on attaque la descente vers La Bourboule… Mais on en vient !!!

Le jour se lève sur les groupettos qui fondent sur le  ravito uno (km16).

Jet de soupe brûlante derrière la cravate pour certains  ou dévalisage du buffet de communiant  pour d’autres avant de terminer de dévaler la pente en mode Mud Day. Qui y laissera une cuisse ou un coccyx ? Qui  réussira a attrapé la corde ? Qui sera le digne héritier de Pinder ? Nul ne sait.

Km20 Jusqu ici, tout va bien … Welcome La  Bourboule balnéaire station !!!

Petite patte de fruit et  gros morceau de 700m de D+ qui nous fait grimper au Puy Gros. Ca monte sec mais bonne nouvelle… La pluie s’arrête…. Mauvaise nouvelle… La neige tombe, le vent cingle, la chute des températures vient tester nos gants bien trop fins… Si on perd un doigt, on le ramassera… Pas grave, on en a d’autres.

Le sommet est perdu dans les nuages ou dans le brouillard … Difficile à distinguer…. la perspective est quasi nulle… La bascule est proche… Yes… On y est… Un peu de route et second  ravito (km 29).

C est comme à la sécu,… Premiers arrivés, premiers servis… Y en aura pas pour tout le monde de la soupe chaude…

Bonne nouvelle… Il ne neige plus… Mauvaise nouvelle… Il pleut… On se refroidit très rapidement… Il est peut-être temps de mettre des fringues sèches même si elles ne vont pas y être très longtemps… Mais comme dit ce cultissime groupe aux couleurs chamarrées : c’est bon pour le moral.

Allez !!! Plus de temps à perdre, on enchaîne sur un long sentier en balcon qui nous emmène à une jolie cascade … Quelque chose me dit que ca doit être tout aussi sympa quand il fait beau.

Un malheur n’arrivant jamais seul, à l’aplomb de la colline, on entend un gus s’agiter au micro pour déjà annoncer l’arrivée du premier… C’est pas possible…. L’ivresse des montagnes certainement.

Le podium ne sera pas encore pour cette année… Bon bah… On va continuer la grimpette vers le plateau de Durbise (1550m)… Le dur commence maintenant.

Les portes de l’enfer de Dante promise viennent de s’ouvrir : ça vente, ça neige, ça grésille, ça gèle, ça pique, ça tremble mais ça avance…. Tête baissée et cerveau débranché… Mais ça avance… Tel Moise traversant la mer rouge, le troupeau de moutons croisé dans l’escarpé s’écarte à notre passage.

Le renoncement et le demi-tour sont interdits. On voit ceux qui ont bossé le moral à l’entraînement.

2 bénévoles perdus au milieu de nulle part (certainement les perdants d’un chi fou mi) marquent la fin de notre chemin de croix et nous indiquent le chemin de la délivrance… La sapinière n’est pas loin… Le thermomètre se radoucit… On récupère enfin l’usage de nos mains à travers les pistes de ski avant le prochain ravitaillement (Km39)… Merde, mon forfait !!!

Plus trop de souvenirs de ce passage car plus trop de lucidité… Reste 12 bornes… En 1h, c’est torché … Enfin, ça… C’est les chronos de la maison.

Dernière difficulté … Va falloir retourner là-haut… Noooooooon !!!… Au plateau du Capucin… Noooooooon !!!… Et là, c est dré dans le pentu…un quart d’heure pour faire un kilomètre cinq cent… Ca court plus, ça marche plus, ça recule… A la recherche désespérément et à quatre pattes d’un 3ème poumon qui pourra nous hisser sur ce maudit plateau où règne le chaos… Qu’on en finisse de ces virages en épingle.

On va pas se mentir… On reste pas trop en haut pour visiter le terrain… On filoche vers une longue échappée belle mais humide (ça me rappelle une copine) à travers les bois fait de faux plats et de racines qui nous rallie au parc d’arrivée. Un dernier toboggan et par ici la sortie.

Finishers !!!

Nous partîmes 500 et nous vîmes 390 en arrivant au Mont Dore… Y a de la casse, de l’abandon, et du out of porte horaire… Mais le raid ox est invincible … Celle-ci, on a été la chercher avec les dents (ça me rappelle une autre copine)… Contrat rempli pour tous.

Ca y est… On y est…On finit par se trouver derrière la ligne après 7h-8h de séparation interminable…Des souvenirs mouillés déjà plein la tête… Tout le monde est là, je vois que tout le monde est là… On se jette dans le Traffic… Personne ne veut se changer… Direct la chaleur de l’appart et de sa salle de bain… L’ordre d’arrivée terminant l’ordre de la douche chaude … Y a pas de petite victoire.

Désolée les enfants, l’héritage n’est pas encore pour maintenant même si, sur le retour au Mans, on a tenté le triple pontage en s’arrêtant chez le clown dealer de burgers.

On a adoré les genoux de Miki qui ont tenu, la remontada d’Arnaud, les tétons scotchés de Fabrice, l’envie retrouvée de Germain, le mode minimaliste de Gui, le maintien du trail contre vent et neigé par l’orga, le soutien de nos supporter-suiveurs trackers, les amis qui n’ont pas joué pour une fois les nounous, l’inventeur du Goretex, le fait d’être ensemble.

On a détesté le premier du 19 km qui, tout sourire, nous a rejoint, puis doublé et dépassé dans la dernière patte… Lui, on l’aime pas ;)… Tout comme celui dont la décence veut qu’on taira son prénom, qui a attendu les autres, en slip, pendant près d’une heure, assis sur un bout de carton près des poubelles, couverture de survie sur le dos sachant qu’il avait refusé les clés du camion proposées au préalable. Bien joué, mon con !!!! Après, en tendant un gobelet, y avait moyen de se faire un petit billet.

Arnaud-Fab-Germain-Gui-Miki

Quelqu’un est partant pour la version hivernale ?